DÉCIBEL LE POÈME
FRED NEVCHÉ
« Il y a un souci de son à régler dans ce pays. Un volume à ajuster. Il va falloir baisser les décibels pour s’entendre ou hausser la voix pour crier. Au choix. Fred Nevché dit : « On vit sous les menaces d’un monde qui finit, qui va finir ». Il dit : « Ma génération est dans un grand bruit, envahie par un trop plein de son ». Il se demande « De quand date le silence déjà ». L’ennui aussi. Il dit : « Qui d’autres avec moi ? » Qui d’autre pour opposer aux pessimistes, la seule arme qui vaille: le désir ? Et « Si vous saviez comme le désir est grand ». Si vous saviez comme dans le bruit quotidien, juste en dessous des plaintes et de ceux qui aboient, il y a d’autres voix.
Fred Nevché est une de ces voix et elle déborde de soulèvements. Depuis les quartiers Nord de son enfance, dans le studio que lui a mis à disposition Francesca Poloniato, la directrice de la scène nationale du Zef, Fred Nevché a pris le temps d’écouter, tendre l’oreille, palper l’époque. Parfois, il a des insomnies parce que le monde ne nous laisse pas tranquille. Depuis ce petit coin du sud de la France qui dit, si nettement, bon nombre des malaises qui paralysent tout un pays, Fred a entrepris de faire entendre sa voix et d’aller à la rencontre des gens avec cette création.
L’historienne Sophie Wahnich, à la question : « Faut-il souhaiter la Révolution ? », répondait : « il n’y a pas de révolution sans amour de la vie ». Fred Nevché est en train d’inventer un amour de la vie implacable. Il est en train de le dire à haute voix mais avec la douceur si caractéristique de sa voix et de son écriture poétique et mélodique. Clairement, il chante « le vent qui se lève » et « l’amour qui revient ». Et on a envie de régler avec lui le volume du pays, dire « oui » à « on peut être plusieurs », « on peut être ensemble”, et répondre avec assurance à tout ce qui arrive de mauvaises nouvelles ou d’annonces apocalyptiques : « Si vous saviez comme le désir est grand ». »
Aurélie Charon, France Culture