Le soleil brille pour tout le monde ?

2011

Textes de Jacques Prévert et musique de Fred Nevché.

Comme beaucoup, la dernière fois que j'ai lu Jacques Prévert, c'était debout, à côté du bureau de la maîtresse, face à la classe, et autant dire en grande difficulté. Cherchant sur les lèvres des copains les vers qui fuyaient les miennes. C'était "Barbara? Balbutiant, désarticulant les mots, étirant les syllabes... "Quelle connerie la guerre", ça je m'en souvenais, il y avait un gros mot. Ça sortait droit, direct, sans détour, sans emphase non plus. Adressé au monde entier, vengeur. Parole de poète bouche barrée d'un clope éternel. "Quelle connerie la guerre". Et toute la classe a ri.


Lorsque Camille Clavel s'est lancé dans la réalisation de son documentaire intitulé "Prévert, paroles d'un insoumis", il souhaitait y filmer des poètes ou des acteurs de notre génération disant, déclament des poèmes de Jacques Prévert. Son intention était claire : rendre l'image de Prévert plus conforme à ce qu'il a été, et montrer, non pas seulement le poète tendre et populaire aux chansons d'amour immortalisées par Yves Montand ou Juliette Gréco mais aussi l'autre, moins connu du grand public, le révolté, l'insoumis. Camille m'a envoyé "Le soleil brille pour tout le monde".


C'est à l'occasion de la première projection du documentaire pour l'exposition "Paris la belle" que Camille m'a présentée à Eugénie Bachelot-Prévert, petite-fille du poète. Eugénie m'a alors invité à découvrir d'autres poèmes de son grand-père, chez lui, à la Cité Véron, dans la même veine, selon elle, plus militant encore, plus enragés, plus farouches aussi. ET étonnamment peu connus. Parmi ceux-là "Citroën", "Marche ou crève", "Il ne faut pas rire avec ces gens-là", ou encore cette lettre à sa femme Janine, inédite.


Les poèmes sont magnifiques, c'est vrai, mais je les ai trouvés par-dessus tout profondément courageux. Simples et directs. Dit par un homme debout face aux inégalités, face à l'exploitation de l'homme par l'homme, faciaux petits clans, face à la bourgeoisie provocante. Intransigeant face à tous les systèmes de domination qu'ils soient politiques ou religieux. J'ai lu un homme s'adressant aux autres hommes, les aimants, les renvoyant à eux-mêmes aussi, faisant part de son incompréhension du monde jusque dans son intimité. J'ai découvert Jacques Prévert.


Frédéric Nevchehirlian


Avec les soutiens de Fatras/Succession Jacques Prévert, théâtre Les Salins - Scène Nationale de Martigues, CNV, CG13, Région Sud et Francofolies de La Rochelle.

Frédéric Nevché : voix / guitare / sampling
Julien Lefevre : violoncelle / guitare / toy-piano / choeur
Gildas Etevenard : batterie / xylophone / choeur
Stéphane Paulin : ingénieur son
Olivier Dural : régisseur lumière
Enregistré et mixé par Stéphane Paulin et Jean Lamoot
Masterisé par Alexis Bardinet - Globe Audio
Produit par Internexterne
Distribué par L'Autre Distribution.
Clip réalisé par Camille Clavel